lundi 16 avril 2007

Le présent et l'infini

Voilà trois jours que nous sirotons avec plaisir le cocktail spécial que l’Arctique nous a concocté.
VBN : 1/3 de Vent, 1/3 de Blizzard et 1/3 de Neige fraîche.

Nous tirons inlassablement nos pulkas lourdement chargées (en kilos ?) autour du fjord Hornsund que nous contournons pour atteindre le cap Sud.

La tache est d’autant plus pénible que la couche de neige est profonde.

Notre caravane arctique, sous ses allures pachydermiques, progresse lentement mais sûrement. Mais quelle est la force qui nous pousse à poursuivre cette quête inutile à travers ce désert froid qu’est le Spitsberg ?



La curiosité est très certainement l’un des moteurs de notre équipe, curiosité de découvrir le paysage derrière le prochain col, de pouvoir contempler le massif de montagnes que nous découvrirons.
Chacun contemple le paysage à sa manière, le regard affûté par différentes disciplines scientifiques.

Kim, le géologue, remarque les structures rocheuses et en déduit l’histoire des montagnes.
Mats, le biologiste, repère les lieux de bivouac des perdrix des neiges, le seul oiseau à hiverner au Spitzberg.
Hella quant à elle s’intéresse aux formes des zastrugis, les structures de neige sculptées par le vent.
Ulli repère le mouvements des glaciers et anticipe les zones de crevasses.

Quant à moi, c’est la glace de mer qui me passionne, la banquise. Lorsqu’elle recouvre les fjords et les baies, quelques centimètres de banquise suffisent pour nous ouvrir de nouveaux espaces infinis et de fantastiques raccourcis.

Mais attention, la contemplation doit parfois s’effacer devant la concentration

En effet pour naviguer correctement dans l’environnement que nous parcourons il faut rester à l’affût des dangers potentiels: gelures, rencontre avec un ours, crevasses.

Lorsque la marche est pénible et la fatigue se fait sentir, la concentration sur l’instant présent est également un moyen de s’extraire de la dure réalité, d’oublier la neige qui fouette la visage, le vent qui gèle jusqu’aux os, afin de profiter de l’environnement unique que nous parcourons.

« L’infini est dans le fini de chaque instant ».

Inspiré par les textes de Sylvain Tesson qui, parcourant le désert de l’ Oustiourt au Kazakstan, par plus 45° Celsius, tente de s’échapper du fluide de la durée, je me concentre sur le temps présent pour m’extraire du continuum du temps et de l’espace.

« Dans l’univers de l’ici et maintenant règne le calme éternel
car le vent et le blizzard, privés de surface ne peuvent s’y déplacer ».

Lucas

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